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leurs ressources, le goût de l’extraordinaire, que ressentent presque toujours ceux qui s’élèvent, de quelque manière que ce soit, au-dessus de la foule, les pressent d’agir. La seule route du commerce leur est ouverte. Dans les démocraties, il n’y a rien de plus grand ni de plus brillant que le commerce ; c’est lui qui attire les regards du public et remplit l’imagination de la foule ; vers lui toutes les passions énergiques se dirigent. Rien ne saurait empêcher les riches de s’y livrer, ni leurs propres préjugés, ni ceux d’aucun autre. Les riches des démocraties ne forment jamais un corps qui ait ses mœurs et sa police ; les idées particulières de leur classe ne les arrêtent pas, et les idées générales de leur pays les poussent. Les grandes fortunes qu’on voit au sein d’un peuple démocratique ayant, d’ailleurs, presque toujours une origine commerciale, il faut que plusieurs générations se succèdent avant que leurs possesseurs aient entièrement perdu les habitudes du négoce.

Resserrés dans l’étroit espace que la politique leur laisse, les riches des démocraties se jettent donc de toutes parts dans le commerce ; là ils peuvent s’étendre et user de leurs avantages naturels ; et c’est, en quelque sorte, à l’audace même et à la grandeur de leurs entreprises industrielles qu’on doit juger le peu de cas qu’ils auraient fait de l’industrie s’ils étaient nés au sein d’une aristocratie.

Une même remarque est de plus applicable à tous les hommes des démocraties, qu’ils soient pauvres ou riches.