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les jours la vie plus commode, plus aisée, plus douce ; leur état social les pousse naturellement de ce côté. Je ne redoute pas qu’ils s’arrêtent.

Mais tandis que l’homme se complaît dans cette recherche honnête et légitime du bien-être, il est à craindre qu’il ne perde enfin l’usage de ses plus sublimes facultés, et, qu’en voulant tout améliorer autour de lui, il ne se dégrade enfin lui-même. C’est là qu’est le péril et non point ailleurs.

Il faut donc que les législateurs des démocraties et tous les hommes honnêtes et éclairés qui y vivent, s’appliquent sans relâche à y soulever les âmes et à les tenir dressées vers le ciel. Il est nécessaire que tous ceux qui s’intéressent à l’avenir des sociétés démocratiques, s’unissent, et que tous de concert fassent de continuels efforts pour répandre dans le sein de ces sociétés le goût de l’infini, le sentiment du grand et l’amour des plaisirs immatériels.

Que, s’il se rencontre parmi les opinions d’un peuple démocratique, quelques unes de ces théories malfaisantes qui tendent à faire croire que tout périt avec le corps ; considérez les hommes qui les professent comme les ennemis naturels de ce peuple.

Il y a bien des choses qui me blessent dans les matérialistes. Leurs doctrines me paraissent pernicieuses, et leur orgueil me révolte. Si leur système pouvait être de quelque utilité à l’homme, il semble que ce serait en lui donnant une modeste idée de lui-même. Mais ils ne font point voir qu’il en soit ainsi ; et, quand ils croient avoir