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Il s’y élève de temps à autres des sectes bizarres qui s’efforcent de s’ouvrir des chemins extraordinaires vers le bonheur éternel. Les folies religieuses y sont fort communes.

Il ne faut pas que ceci nous surprenne.

Ce n’est pas l’homme qui s’est donné à lui-même le goût de l’infini et l’amour de ce qui est immortel. Ces instincts sublimes ne naissent point d’un caprice de sa volonté : ils ont leur fondement immobile dans sa nature ; ils existent en dépit de ses efforts. Il peut les gêner et les déformer, mais non les détruire.

L’âme a des besoins qu’il faut satisfaire ; et, quelque soin que l’on prenne de la distraire d’elle-même, elle s’ennuie bientôt, s’inquiète et s’agite au milieu des jouissances des sens.

Si l’esprit de la grande majorité du genre humain se concentrait jamais dans la seule recherche des biens matériels, on peut s’attendre qu’il se ferait une réaction prodigieuse dans l’âme de quelques hommes. Ceux-là se jetteraient éperduement dans le monde des esprits, de peur de rester embarrassés dans les entraves trop étroites que veut leur imposer le corps.

Il ne faudrait donc pas s’étonner si, au sein d’une société qui ne songerait qu’à la terre, on rencontrait un petit nombre d’individus qui voulussent ne regarder que le ciel. Je serais surpris si, chez un peuple uniquement préoccupé de son bien-être, le mysticisme ne faisait pas bientôt des progrès.

On dit que ce sont les persécutions des empereurs