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interrompu avant d’avoir pu renfermer dans les limites de sa harangue tout ce qu’on peut dire d’utile aux vingt-quatre États dont l’union se compose, et spécialement au district qu’il représente. Il fait donc passer successivement devant l’esprit de ses auditeurs de grandes vérités générales qu’il n’aperçoit souvent lui-même, et qu’il n’indique que confusément, et de petites particularités fort ténues qu’il n’a que trop de facilité à découvrir et à exposer. Aussi arrive-t-il très-souvent que dans le sein de ce grand corps, la discussion devient vague et embarrassée, et qu’elle semble se traîner vers le but qu’on se propose plutôt qu’y marcher.

Quelque chose d’analogue se fera toujours voir, je pense, dans les assemblées publiques des démocraties.

D’heureuses circonstances et de bonnes lois pourraient parvenir à attirer dans la législature d’un peuple démocratique des hommes beaucoup plus remarquables que ceux qui sont envoyés par les Américains au congrès ; mais on n’empêchera jamais les hommes médiocres qui s’y trouvent de s’y exposer complaisamment, et de tous les côtés au grand jour.

Le mal ne me paraît pas entièrement guérissable, parce qu’il ne tient pas seulement au règlement de l’assemblée, mais à sa constitution et à celle même du pays.

Les habitants des États-Unis semblent considérer eux-mêmes la chose sous ce point de vue, et ils témoignent leur long usage de la vie parlementaire, non point en s’abstenant de mauvais discours, mais en se sou-