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Abandonnons donc les chiffres, et tâchons de trouver nos preuves ailleurs.

Un pays présente-t-il l’aspect de la prospérité matérielle ; après avoir payé l’État, le pauvre y conserve-t-il des ressources et le riche du superflu ; l’un et l’autre y paraissent-ils satisfaits de leur sort, et cherchent-ils chaque jour à l’améliorer encore, de telle sorte que les capitaux ne manquant jamais à l’industrie, l’industrie à son tour ne manque point aux capitaux : tels sont les signes auxquels, faute de documents positifs, il est possible de recourir pour connaître si les charges publiques qui pèsent sur un peuple sont proportionnées à sa richesse.

L’observateur qui s’en tiendrait à ces témoignages jugerait sans doute que l’Américain des États-Unis donne à l’État une moins forte part de son revenu que le Français.

Mais comment pourrait-on concevoir qu’il en fût autrement ?

Une partie de la dette française est le résultat de deux invasions ; l’Union n’a point à en craindre. Notre position nous oblige à tenir habituellement une nombreuse armée sous les armes ; l’isolement de l’Union lui permet de n’avoir que 6,000 soldats. Nous entretenons près de 300 vaisseaux ; les Américains n’en ont que 52[1]. Comment l’habitant de l’Union pourrait-il payer à l’État autant que l’habitant de la France ?

  1. Voyez les budgets détaillés du ministère de la Marine en France, et pour l’Amérique, le National Calendar de 1833, p. 228.