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Si la démocratie ne conçoit pas les plaisirs du riche ou les envie, de son côté l’aristocratie ne comprend point les misères du pauvre, ou plutôt elle les ignore. Le pauvre n’est point, à proprement parler, le semblable du riche ; C’est un être d’une autre espèce. L’aristocratie s’inquiète donc assez peu du sort de ses agents inférieurs. Elle ne hausse leurs salaires que quand ils refusent de la servir à trop bas prix.

C’est la tendance parcimonieuse de la démocratie envers les principaux fonctionnaires qui lui a fait attribuer de grands penchants économiques qu’elle n’a pas.

    cru devoir placer en regard le salaire attaché, en France, aux fonctions analogues, afin que la comparaison achève d’éclairer le lecteur.


    ÉTATS-UNIS
    MINISTÈRE DES FINANCES (treasury department)

    L’huissier (messager) 3,734 fr.
    Le commis le moins payé 5,420
    Le commis le plus payé 8,672
    Le secrétaire général (chief clerk) 10,840
    Le ministre (secretary of State) 32,520
    Le chef du gouvernement (le président) 135,000


    FRANCE
    MINISTÈRE DES FINANCES

    Huissier du ministre 1,500 fr.
    Le commis le moins payé 1,000 à 1,800 fr.
    Le commis le plus payé 3,200 à 3,600 fr.
    Le secrétaire général 20,000 fr.
    Le ministre 80,000 fr.
    Le chef du gouvernement (le roi) 12,000,000 fr.

    J’ai peut-être eu tort de prendre la France pour point de comparaison. En France, où les instincts démocratiques pénètrent tous les jours davantage dans le gouvernement, on aperçoit déjà une forte tendance qui porte les Chambres à élever les petits traitements et surtout à abaisser les grands. Ainsi le ministre des Finances qui, en 1834, reçoit 80  000 fr., en recevait 160  000 sous l’Empire ; les directeurs généraux des Finances, qui en reçoivent 20  000 en recevaient alors 50 000.