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quel qu’il fût, l’exercice d’un droit aussi redoutable.

Dans la Nouvelle-Angleterre, ces mêmes magistrats peuvent faire afficher dans les cabarets le nom des ivrognes et empêcher sous peine d’amende les habitants de leur fournir du vin[1].

Un pareil pouvoir censorial révolterait le peuple dans la monarchie la plus absolue ; ici, pourtant, on s’y soumet sans peine.

Nulle part la loi n’a laissé une plus grande part à l’arbitraire que dans les républiques démocratiques, parce que l’arbitraire n’y paraît point à craindre. On peut même dire que le magistrat y devient plus libre, à mesure que le droit électoral descend plus bas et que le temps de la magistrature est plus limité.

De là vient qu’il est si difficile de faire passer une république démocratique à l’état de monarchie. Le magistrat, en cessant d’être électif, y garde d’ordinaire les droits et y conserve les usages du magistrat élu. On arrive alors au despotisme.

Ce n’est que dans les monarchies tempérées que la loi, en même temps qu’elle trace un cercle d’action

  1. Loi du 28 février 1787. Voyez Collection générale des lois du Massachusetts, Vol. I, p. 502.

    Voici le texte :

    « Les select-men de chaque commune feront afficher dans les boutiques des cabaretiers, aubergistes et détaillants, une liste des personnes réputées ivrognes, joueurs, et qui ont l’habitude de perdre leur temps et leur fortune dans ces maisons ; et le maître desdites maisons qui, après cet avertissement, aura souffert que lesdites personnes boivent et jouent dans sa demeure, ou leur aura vendu des liqueurs spiritueuses, sera condamné à l’amende. »