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de l’arbitraire des magistrats[1] sous l’empire de la démocratie américaine.

Pourquoi l’arbitraire des magistrats est plus grand sous les monarchies absolues et dans les républiques démocratiques que dans les monarchies tempérées. — Arbitraire des magistrats dans la Nouvelle-Angleterre.

Il y a deux espèces de gouvernements sous lesquels il se mêle beaucoup d’arbitraire à l’action des magistrats ; il en est ainsi sous le gouvernement absolu d’un seul et sous le gouvernement de la démocratie.

Ce même effet provient de causes presque analogues.

Dans les États despotiques, le sort de personne n’est assuré, pas plus celui des fonctionnaires publics que celui des simples particuliers. Le souverain, tenant toujours dans sa main la vie, la fortune, et quelquefois l’honneur des hommes qu’il emploie, pense n’avoir rien à craindre d’eux, et il leur laisse une grande liberté d’action, parce qu’il se croit assuré qu’ils n’en abuseront jamais contre lui.

Dans les États despotiques, le souverain est si amoureux de son pouvoir, qu’il craint la gêne de ses propres règles ; et il aime à voir ses agents aller à peu près au hasard, afin d’être sûr de ne jamais rencontrer en eux une tendance contraire à ses désirs.

Dans les démocraties, la majorité pouvant chaque année enlever le pouvoir des mains auxquelles elle l’a confié, ne craint point non plus qu’on en abuse contre elle.

  1. J’entends le mot magistrats dans son acceptation la plus étendue : je l’applique à tous ceux qui sont chargés de faire exécuter les lois.