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Telle n’est point la manière dont on entend le droit d’association aux États-Unis. En Amérique, les citoyens qui forment la minorité s’associent, d’abord pour constater leur nombre et affaiblir ainsi l’empire moral de la majorité ; le second objet des associés est de mettre au concours et de découvrir de cette manière les arguments les plus propres à faire impression sur la majorité ; car ils ont toujours l’espérance d’attirer à eux cette dernière et de disposer ensuite, en son nom, du pouvoir.

Les associations politiques aux États-Unis sont donc paisibles dans leur objet et légales dans leurs moyens ; et lorsqu’elles prétendent ne vouloir triompher que par les lois, elles disent en général la vérité.

La différence qui se remarque sur ce point entre les Américains et nous tient à plusieurs causes.

Il existe en Europe des partis qui diffèrent tellement de la majorité, qu’ils ne peuvent espérer de s’en faire jamais un appui, et ces mêmes partis se croient assez forts par eux-mêmes pour lutter contre elle. Quand un parti de cette espèce forme une association, il ne veut point convaincre, mais combattre. En Amérique, les hommes qui sont placés très loin de la majorité par leur opinion ne peuvent rien contre son pouvoir : tous les autres espèrent la gagner.

L’exercice du droit d’association devient donc dangereux en proportion de l’impossibilité où sont les grands partis de devenir la majorité. Dans un pays comme les États-Unis, où les opinions ne diffèrent que par des