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du Maine se remplissaient d’habitants. Le désordre qui suivit la guerre n’empêcha point non plus la population de croître et n’arrêta pas sa marche progressive dans le désert. Ainsi, la différence des lois, l’état de paix ou l’état de guerre, l’ordre ou l’anarchie, n’ont influé que d’une manière insensible sur le développement successif des Anglo-Américains.

Ceci se comprend sans peine : il n’existe pas de causes assez générales pour se faire sentir à la fois sur tous les points d’un si immense territoire. Ainsi il y a toujours une grande portion de pays où l’on est assuré de trouver un abri contre les calamités qui frappent l’autre, et quelque grands que soient les maux, le remède offert est toujours plus grand encore.

Il ne faut donc pas croire qu’il soit possible d’arrêter l’essor de la race anglaise du nouveau monde. Le démembrement de l’Union, en amenant la guerre sur le continent, l’abolition de la république, en y introduisant la tyrannie, peuvent retarder ses développements, mais non l’empêcher d’atteindre le complément nécessaire de sa destinée. Il n’y a pas de pouvoir sur la terre qui puisse fermer devant les pas des émigrants ces fertiles déserts ouverts de toutes parts à l’industrie et qui présentent un asile à toutes les misères. Les événements futurs, quels qu’ils soient, n’enlèveront aux Américains ni leur climat, ni leurs mers intérieures, ni leurs grands fleuves, ni la fertilité de leur sol. Les mauvaises lois, les révolutions et l’anarchie ne sauraient détruire parmi eux le goût du bien-être et l’esprit d’entreprise qui