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de l’Amérique tourne ainsi, malgré le désir des Américains, au profit de l’industrie manufacturière de l’Angleterre.

La raison indique et l’expérience prouve qu’il n’y a pas de grandeur commerciale qui soit durable si elle ne peut s’unir, au besoin, à une puissance militaire.

Cette vérité est aussi bien comprise aux États-Unis que partout ailleurs. Les Américains sont déjà en état de faire respecter leur pavillon ; bientôt ils pourront le faire craindre.

Je suis convaincu que le démembrement de l’Union, loin de diminuer les forces navales des Américains, tendrait fortement à les augmenter. Aujourd’hui les États commerçants sont liés à ceux qui ne le sont pas, et ces derniers ne se prêtent souvent qu’à regret à accroître une puissance maritime dont ils ne profitent qu’indirectement.

Si, au contraire, tous les États commerçants de l’Union ne formaient qu’un seul et même peuple, le commerce deviendrait pour eux un intérêt national du premier ordre ; ils seraient donc disposés à faire de très grands sacrifices pour protéger leurs vaisseaux, et rien ne les empêcherait de suivre sur ce point leurs désirs.

Je pense que les nations, comme les hommes, indiquent presque toujours, dès leur jeune âge, les principaux traits de leur destinée. Quand je vois de quel esprit les Anglo-Américains mènent le commerce, les facilités qu’ils trouvent à le faire, les succès qu’ils y obtiennent, je ne puis m’empêcher de croire qu’ils de-