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grand espace et séparés par trop d’obstacles naturels pour qu’un seul puisse entreprendre de diriger les détails de leur existence. L’Amérique est donc par excellence le pays du gouvernement provincial et communal.

À cette cause, dont l’action se faisait également sentir sur tous les Européens du nouveau monde, les Anglo-Américains en ajoutèrent plusieurs autres qui leur étaient particulières.

Lorsque les colonies de l’Amérique du Nord furent établies, la liberté municipale avait déjà pénétré dans les lois ainsi que dans les mœurs anglaises, et les émigrants anglais l’adoptèrent non seulement comme une chose nécessaire, mais comme un bien dont ils connaissaient tout le prix.

Nous avons vu, de plus, de quelle manière les colonies avaient été fondées, Chaque province, et pour ainsi dire chaque district, fut peuplé séparément par des hommes étrangers les uns aux autres, ou associés dans des buts différents.

Les Anglais des États-Unis se sont donc trouvés, dès l’origine, divisés en un grand nombre de petites sociétés distinctes qui ne se rattachaient à aucun centre commun, et il a fallu que chacune de ces petites sociétés s’occupât de ses propres affaires, puisqu’on n’apercevait nulle part une autorité centrale qui dût naturellement et qui pût facilement y pourvoir.

Ainsi la nature du pays, la manière même dont les colonies anglaises ont été fondées, les habitudes des