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un champ sans bornes à l’industrie. Le bassin du Mississipi est infiniment plus fertile que les côtes de l’océan Atlantique. Cette raison, ajoutée à toutes les autres, pousse énergiquement les Européens vers l’Ouest. Ceci se démontre rigoureusement par des chiffres.

Si l’on opère sur l’ensemble des États-Unis, on trouve que, depuis quarante ans, le nombre des habitants y est à peu près triplé. Mais si on n’envisage que le bassin du Mississipi, on découvre que, dans le même espace de temps, la population[1] y est devenue trente et une fois plus grande[2].

Chaque jour, le centre de la puissance fédérale se déplace. Il y a quarante ans, la majorité des citoyens de l’Union était sur les bords de la mer, aux environs de l’endroit où s’élève aujourd’hui Washington ; maintenant elle se trouve plus enfoncée dans les terres et plus au Nord ; on ne saurait douter qu’avant vingt ans elle ne soit de l’autre côté des Alléghanys. L’Union subsistant, le bassin du Mississipi, par sa fertilité et son étendue, est nécessairement appelé à devenir le centre permanent de la puissance fédérale. Dans trente ou quarante ans, le bassin du Mississipi aura pris son rang naturel. Il est facile de calculer qu’alors sa population, comparée à celle des États placés sur les bords de l’Atlantique, sera dans la proportion de 40 à 11 à peu près. Encore quelques

  1. View of the United States, by Darby, p. 444.
  2. Remarquez que, quand je parle du bassin du Mississipi, je n’y comprends point la portion des États de New York, de Pennsylvanie et de Virginie, placée à l’ouest des Alléghanys, et qu’on doit cependant considérer comme en faisant aussi partie.