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jusqu’à présent que quand un État voulait obstinément une chose et la demandait résolument, il ne manquait jamais de l’obtenir ; et que quand il refusait nettement d’agir[1], on le laissait libre de faire.

Le gouvernement de l’Union eût-il une force qui lui fût propre, la situation matérielle du pays lui en rendrait l’usage fort difficile[2].

Les États-Unis couvrent un immense territoire ; de longues distances les séparent ; la population y est éparpillée au milieu de pays encore à moitié déserts. Si l’Union entreprenait de maintenir par les armes les confédérés dans le devoir, sa position se trouverait analogue à celle qu’occupait l’Angleterre lors de la guerre de l’Indépendance.

D’ailleurs, un gouvernement, fût-il fort, ne saurait échapper qu’avec peine aux conséquences d’un principe, quand une fois il a admis ce principe lui-même comme fondement du droit public qui doit le régir. La confédération a été formée par la libre volonté des États ; ceux-ci, en s’unissant, n’ont point perdu leur nationalité et ne se sont point fondus dans un seul et même peuple. Si

  1. Voyez la conduite des États du Nord dans la guerre de 1812. « Durant cette guerre, dit Jefferson dans une lettre du 17 mars 1817 au général La Fayette, quatre des États de l’Est n’étaient plus liés au reste de l’Union que comme des cadavres à des hommes vivants. » (Correspondance de Jefferson, publiée par M. Conseil.)
  2. L’état de paix où se trouve l’Union ne lui donne aucun prétexte pour avoir une armée permanente. Sans armée permanente, un gouvernement n’a rien de préparé d’avance pour profiter du moment favorable, vaincre la résistance et enlever par surprise le souverain pouvoir.