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de lui. Le gouvernement central a pour lui les passions de quelques hommes supérieurs qui aspirent à le diriger : du côté du gouvernement provincial se trouve l’intérêt des hommes de second ordre qui n’espèrent obtenir de puissance que dans leur État ; et ce sont ceux-là qui, placés près du peuple, exercent sur lui le plus de pouvoir.

Les Américains ont donc bien plus à attendre et à craindre de l’État que de l’Union ; et, suivant la marche naturelle du cœur humain, ils doivent s’attacher bien plus vivement au premier qu’à la seconde.

En ceci les habitudes et les sentiments sont d’accord avec les intérêts.

Quand une nation compacte fractionne sa souveraineté et arrive à l’état de confédération, les souvenirs, les usages, les habitudes, luttent longtemps contre les lois et donnent au gouvernement central une force que celles-ci lui refusent. Lorsque des peuples confédérés se réunissent dans une seule souveraineté, les mêmes causes agissent cri sens contraire. Je ne doute point que si la France devenait une république confédérée comme celle des États-Unis, le gouvernement ne s’y montrât d’abord plus énergique que celui de l’Union ; et si l’Union se constituait en monarchie comme la France, je pense que le gouvernement américain resterait pendant quelque temps plus débile que le nôtre. Au moment où la vie nationale a été créée chez les Anglo-Américains, l’existence provinciale était déjà ancienne, des rapports nécessaires s’étaient établis entre les communes et les indi-