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Que les opinions qui s’établissent sous l’empire de la liberté de la presse aux États-Unis sont souvent plus tenaces que celles qui se forment ailleurs sous l’empire de la censure.

Aux États-Unis, la démocratie amène sans cesse des hommes nouveaux à la direction des affaires ; le gouvernement met donc peu de suite et d’ordre dans ses mesures. Mais les principes généraux du gouvernement y sont plus stables que dans beaucoup d’autres pays, et les opinions principales qui règlent la société s’y montrent plus durables. Quand une idée a pris possession de l’esprit du peuple américain, qu’elle soit juste ou déraisonnable, rien n’est plus difficile que de l’en extirper.

Le même fait a été observé en Angleterre, le pays de l’Europe où l’on a vu pendant un siècle la liberté la plus grande de penser et les préjugés les plus invincibles.

J’attribue cet effet à la cause même qui, au premier abord, semblerait devoir l’empêcher de se produire, à la liberté de la presse. Les peuples chez lesquels existe cette liberté s’attachent à leurs opinions par orgueil autant que par conviction. Ils les aiment, parce qu’elles leur semblent justes, et aussi parce qu’elles sont de leur choix, et ils y tiennent, non seulement comme à une chose vraie, mais encore comme à une chose qui leur est propre.

Il y a plusieurs autres raisons encore.

Un grand homme a dit que l’ignorance était aux deux bouts de la science. Peut-être eût-il été plus vrai de