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fuse qui proclame au loin la présence de l’industrie ; de riches moissons couvrent les champs ; d’élégantes demeures annoncent le goût et les soins du laboureur ; de toutes parts l’aisance se révèle ; l’homme paraît riche et content : il travaille[1].

L’État du Kentucky a été fondé en 1775, l’État de l’Ohio ne l’a été que douze ans plus tard : douze ans en Amérique, c’est plus d’un demi-siècle en Europe. Aujourd’hui la population de l’Ohio excède déjà de 250,000 habitants celle du Kentucky[2].

Ces effets divers de l’esclavage et de la liberté se comprennent aisément ; ils suffisent pour expliquer bien des différences qui se rencontrent entre la civilisation antique et celle de nos jours.

Sur la rive gauche de l’Ohio le travail se confond avec l’idée de l’esclavage ; sur la rive droite, avec celle du bien-être et des progrès ; là il est dégradé, ici on l’honore ; sur la rive gauche du fleuve, on ne peut trouver d’ouvriers appartenant à la race blanche, ils craindraient de ressembler à des esclaves ; il faut s’en rapporter aux soins des nègres ; sur la rive droite on chercherait en

  1. Ce n’est pas seulement l’homme individu qui est actif dans l’Ohio ; l’État fait lui-même d’immenses entreprises ; l’État d’Ohio a établi entre le lac Érié et l’Ohio un canal au moyen duquel la vallée du Mississipi communique avec la rivière du Nord. Grâce à ce canal, les marchandises d’Europe qui arrivent à New York peuvent descendre par eau jusqu’à La Nouvelle-Orléans, à travers plus de cinq cents lieues de continent.
  2. Chiffre exact d’après le recensement de 1830 :

    Kentucky, 688, 844.
    Ohio, 937 679.