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liées l’une à l’autre, sans pour cela se confondre ; il leur est aussi difficile de se séparer complètement que de s’unir.

Le plus redoutable de tous les maux qui menacent l’avenir des États-Unis naît de la présence des noirs sur leur sol. Lorsqu’on cherche la cause des embarras présents et des dangers futurs de l’Union, on arrive presque toujours à ce premier fait, de quelque point qu’on parte.

Les hommes ont en général besoin de grands et constants efforts pour créer des maux durables ; mais il est un mal qui pénètre dans le monde furtivement : d’abord on l’aperçoit à peine au milieu des abus ordinaires du pouvoir ; il commence avec un individu dont l’histoire ne conserve pas le nom ; on le dépose comme un germe maudit sur quelque point du sol ; il se nourrit ensuite de lui-même, s’étend sans effort, et croît naturellement avec la société qui l’a reçu : ce mal est l’esclavage.

Le christianisme avait détruit la servitude ; les chrétiens du seizième siècle l’ont rétablie ; ils ne l’ont jamais admise cependant que comme une exception dans leur système social, et ils ont pris soin de la restreindre à une seule des races humaines. Ils ont ainsi fait à l’humanité une blessure moins large, mais infiniment plus difficile à guérir.

    qui voudront comprendre à quels excès de tyrannie sont peu à peu poussés les hommes quand une fois ils ont commencé à sortir de la nature et de l’humanité.