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vers la civilisation, l’oppression les repousse aujourd’hui vers la barbarie. Beaucoup d’entre eux, quittant leurs champs a moitié défrichés, reprennent l’habitude de la vie sauvage.

Si l’on fait attention aux mesures tyranniques adoptées par les législateurs des États du Sud, à la conduite de leurs gouverneurs et aux actes de leurs tribunaux, on se convaincra aisément que l’expulsion complète des Indiens est le but final où tendent simultanément tous leurs efforts. Les Américains de cette partie de l’Union voient avec jalousie les terres que possèdent les indigènes[1] ; ils sentent que ces derniers n’ont point encore complètement perdu les traditions de la vie sauvage, et avant que la civilisation les ait solidement attachés au sol, ils veulent les réduire au désespoir et les forcer à s’éloigner.

Opprimés par les États particuliers, les Creeks et les Chérokées se sont adressés au gouvernement central. Celui-ci n’est point insensible à leurs maux, il voudrait sincèrement sauver les restes des indigènes et leur assurer la libre possession du territoire que lui-même leur a garantie[2] ; mais quand il cherche à exécuter

  1. Les Géorgiens, qui se trouvent si incommodés du voisinage des Indiens, occupent un territoire qui ne compte pas encore plus de sept habitants par mille carré. En France, il y a cent soixante-deux individus dans le même espace.
  2. En 1818, le Congrès ordonna que le territoire d’Arkansas serait visité par des commissaires Américains, accompagnés d’une députation de Creeks, de Choctaws et de Chickasaws. Cette expédition était commandée par MM. Kennerly, Mc Coy, Wash Flood et John Bell. Voyez les différents