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opinions de sauvages dans ce que nous appelons les idées féodales.

Quels que soient les vices et les préjugés qui empêchent les Indiens de l’Amérique du Nord de devenir cultivateurs et civilisés, quelquefois la nécessité les y oblige.

Plusieurs nations considérables du Sud, entre autres celles des Chérokées et des Creeks[1], se sont trouvées comme enveloppées par les Européens, qui, débarquant sur les rivages de l’Océan, descendant l’Ohio et remontant le Mississipi, arrivaient à la fois autour d’elles. On ne les a point chassées de place en place, ainsi que les tribus du Nord, mais on les a resserrées peu à peu dans des limites trop étroites, comme des chasseurs font d’abord l’enceinte d’un taillis avant de pénétrer simultanément dans l’intérieur. Les Indiens, placés alors entre la civilisation et la mort, se sont vus réduits à vivre honteusement de leur travail comme les blancs ; ils sont donc devenus cultivateurs ; et sans quitter entièrement

  1. Ces nations se trouvent aujourd’hui englobées dans les États de Géorgie, de Tennessee, d’Alabama et de Mississipi.

    Il y avait jadis au Sud (on en voit les restes) quatre grandes nations : les Choctaws, les Chickasaws, les Creeks et les Chérokées.

    Les restes de ces quatre nations formaient encore, en 1830, environ 75,000 individus. On compte qu’il se trouve à présent, sur le territoire occupé ou réclamé par l’Union anglo-américaine, environ 300,000 Indiens. (Voyez Proceedings of the Indian Board in the city of New York.) Les documents officiels fournis au Congrès portent ce nombre à 313,130. Le lecteur qui serait curieux de connaître le nom et la force de toutes les tribus qui habitent le territoire anglo-américain devra consulter les documents que je viens d’indiquer. (Documents législatifs, 20e congrès, nº 117, pp. 90-105.)