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importance de ce qui précède par rapport à l’europe.

On découvre aisément pourquoi je me suis livré aux recherches qui précèdent. La question que j’ai soulevée n’intéresse pas seulement les États-Unis, mais le monde entier ; non pas une nation, mais tous les hommes.

Si les peuples dont l’état social est démocratique ne pouvaient rester libres que lorsqu’ils habitent des déserts, il faudrait désespérer du sort futur de l’espèce humaine ; car les hommes marchent rapidement vers la démocratie, et les déserts se remplissent.

S’il était vrai que les lois et les mœurs fussent insuffisantes au maintien des institutions démocratiques, quel autre refuge resterait-il aux nations, sinon le despotisme d’un seul ?

Je sais que de nos jours il y a bien des gens honnêtes que cet avenir n’effraie guère, et qui, fatigués de la liberté, aimeraient à se reposer enfin loin de ses orages.

Mais ceux-là connaissent bien mal le port vers lequel ils se dirigent. Préoccupés de leurs souvenirs, ils jugent le pouvoir absolu par ce qu’il a été jadis, et non par ce qu’il pourrait être de nos jours.

Si le pouvoir absolu venait à s’établir de nouveau chez les peuples démocratiques de l’Europe, je ne doute pas qu’il n’y prît une forme nouvelle et qu’il ne s’y montrât sous des traits inconnus a nos pères.

Il fut un temps en Europe où la loi, ainsi que le consentement du peuple, avaient revêtu les rois d’un pou-