Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 2.djvu/26

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

laient d’enlever son indépendance à la presse, le peuple entier pourrait leur répondre : laissez-nous poursuivre vos crimes devant les juges ordinaires, et peut-être que nous consentirons alors à ne point en appeler au tribunal de l’opinion.

Dans un pays ou règne ostensiblement le dogme de la souveraineté du peuple, la censure n’est pas seulement un danger, mais encore une grande absurdité.

Lorsqu’on accorde à chacun un droit à gouverner la société, il faut bien lui reconnaître la capacité de choisir entre les différentes opinions qui agitent ses contemporains, et d’apprécier les différents faits dont la connaissance peut le guider.

La souveraineté du peuple et la liberté de la presse sont donc deux choses entièrement corrélatives : la censure et le vote universel sont au contraire deux choses qui se contredisent et ne peuvent se rencontrer longtemps dans les institutions politiques d’un même peuple. Parmi les douze millions d’hommes qui vivent sur le territoire des États-Unis, il n’en est pas un seul qui ait encore osé proposer de restreindre la liberté de la presse.

Le premier journal qui tomba sous mes yeux, en arrivant en Amérique, contenait l’article suivant, que je traduis fidèlement :

« Dans toute cette affaire, le langage tenu par Jackson (le Président) a été celui d’un despote sans cœur, occupé uniquement à conserver son pouvoir. L’ambition