Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 2.djvu/252

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il y a donc une raison indépendante des causes physiques et des lois, qui fait que la démocratie peut gouverner les États-Unis.

Mais voici qui prouve plus encore. Presque tous les hommes qui habitent le territoire de l’Union sont issus du même sang. Ils parlent la même langue, prient Dieu de la même manière, sont soumis aux mêmes causes matérielles, obéissent aux mêmes lois.

D’où naissent donc les différences qu’il faut observer entre eux ?

Pourquoi, à l’est de l’Union, le gouvernement républicain se montre-t-il fort et régulier, et procède-t-il avec maturité et lenteur ? Quelle cause imprime à tous ses actes un caractère de sagesse et de durée ?

D’où vient, au contraire, qu’à l’Ouest les pouvoirs de la société semblent marcher au hasard ?

Pourquoi y règne-t-il dans le mouvement des affaires quelque chose de désordonné, de passionné, on pourrait presque dire de fébrile, qui n’annonce point un long avenir ?

Je ne compare plus les Anglo-Américains à des peuples étrangers ; j’oppose maintenant les Anglo-Américains les uns aux autres, et je cherche pourquoi ils ne se ressemblent pas. Ici, tous les arguments tirés de la nature du pays et de la différence des lois me manquent en même temps. Il faut recourir à quelque autre cause ; et cette cause, où la découvrirai-je, sinon dans les mœurs ?

C’est à l’est que les Anglo-Américains ont contracté