Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 2.djvu/247

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sont ses droits et de quels moyens il doit se servir pour les exercer ; il saura suivant quels usages se mène le monde politique. Vous apercevrez que les règles de l’administration lui sont connues et qu’il s’est rendu familier le mécanisme des lois. L’habitant des États-Unis n’a pas puisé dans les livres ces connaissances pratiques et ces notions positives : son éducation littéraire a pu le préparer à les recevoir, mais ne les lui a point fournies.

C’est en participant à la législation que l’Américain apprend à connaître les lois ; c’est en gouvernant qu’il s’instruit des formes du gouvernement. Le grand œuvre de la société s’accomplit chaque jour sous ses yeux, et pour ainsi dire dans ses mains.

Aux États-Unis, l’ensemble de l’éducation des hommes est dirigé vers la politique ; en Europe, son but principal est de préparer à la vie privée. L’action des citoyens dans les affaires est un fait trop rare pour être prévu d’avance.

Dès qu’on jette les regards sur les deux sociétés, ces différences se révèlent jusque dans leur aspect extérieur.

En Europe, nous faisons souvent entrer les idées et les habitudes de l’existence privée dans la vie publique, et comme il nous arrive de passer tout à coup de l’intérieur de la famille au gouvernement de l’État, on nous voit souvent discuter les grands intérêts de la société de la même manière que nous conversons avec nos amis.