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des mœurs pures, mais la majorité est régulière dans les siennes.

Ici, l’usage du pouvoir est bon sans doute : aussi ne parlé-je que du pouvoir en lui-même. Ce pouvoir irrésistible est un fait continu, et son bon emploi n’est qu’un accident.



effets de la tyrannie de la majorité sur le caractère national des américains ; de l’esprit de cour aux états-unis.

Les effets de la tyrannie de la majorité se font jusqu’à présent plus sentir sur les mœurs que sur la conduite de la société. — Ils arrêtent le développement des grands caractères. — Les républiques démocratiques organisées comme celles des États-Unis mettent l’esprit de cour à la portée du grand nombre. — Preuves de cet esprit aux États-Unis. — Pourquoi il y a plus de patriotisme dans le peuple que dans ceux qui gouvernent en son nom.

L’influence de ce qui précède ne se fait encore sentir que faiblement dans la société politique ; mais on en remarque déjà de fâcheux effets sur le caractère national des Américains. Je pense que c’est à l’action toujours croissante du despotisme de la majorité, aux États-Unis, qu’il faut surtout attribuer le petit nombre d’hommes remarquables qui s’y montrent aujourd’hui sur la scène politique.

Lorsque la révolution d’Amérique éclata, ils parurent en foule ; l’opinion publique dirigeait alors les volontés et ne les tyrannisait pas. Les hommes célèbres de cette époque, s’associant librement au mouvement des esprits, eurent une grandeur qui leur fut propre : ils répandirent leur éclat sur la nation et ne l’empruntèrent pas d’elle.