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que la guerre de l’Indépendance avait fait naître, et leur puissance morale était très-étendue. Les circonstances leur furent d’ailleurs favorables. La ruine de la première confédération fit craindre au peuple de tomber dans l’anarchie, et les fédéralistes profitèrent de cette disposition passagère. Pendant dix ou douze ans, ils dirigèrent les affaires et purent appliquer, non tous leurs principes, mais quelques-uns d’entre eux ; car le courant opposé devenait de jour en jour trop violent pour qu’on osât lutter contre lui.

En 1801, les républicains s’emparèrent enfin du gouvernement. Thomas Jefferson fut nommé président ; il leur apporta l’appui d’un nom célèbre, d’un grand talent et d’une immense popularité.

Les fédéralistes ne s’étaient jamais maintenus que par des moyens artificiels et à l’aide de ressources momentanées ; c’étaient la vertu ou les talents de leurs chefs, ainsi que le bonheur des circonstances, qui les avaient poussés au pouvoir. Quand les républicains y arrivèrent à leur tour, le parti contraire fut comme enveloppé au milieu d’une inondation subite. Une immense majorité se déclara contre lui, et il se vit sur-le-champ en si petite minorité, qu’aussitôt il désespéra de lui-même. Depuis ce moment, le parti républicain ou démocratique a marché de conquêtes en conquêtes, et s’est emparé de la société tout entière.

Les fédéralistes se sentant vaincus, sans ressources et se voyant isolés au milieu de la nation, se divisèrent ; les uns se joignirent aux vainqueurs ; les autres déposè-