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judiciaire indépendante des deux autres pouvoirs ; vous aurez encore un gouvernement démocratique, mais il n’y aura presque plus de chances pour la tyrannie.

Je ne dis pas que dans le temps actuel on fasse en Amérique un fréquent usage de la tyrannie, je dis qu’on n’y découvre point de garantie contre elle, et qu’il faut y chercher les causes de la douceur du gouvernement dans les circonstances et dans les mœurs plutôt que dans les lois.



effets de l’omnipotence de la majorité sur l’arbitraire des fonctionnaires publics américains.

Liberté que laisse la loi américaine aux fonctionnaires dans le cercle qu’elle a tracé. — Leur puissance.

Il faut bien distinguer l’arbitraire de la tyrannie. La tyrannie peut s’exercer au moyen de la loi même, et alors elle n’est point arbitraire ; l’arbitraire peut s’exercer dans l’intérêt des gouvernés, et alors il n’est pas tyrannique.

La tyrannie se sert ordinairement de l’arbitraire, mais au besoin elle sait s’en passer.

Aux États-Unis, l’omnipotence de la majorité, en même temps qu’elle favorise le despotisme légal du législateur, favorise aussi l’arbitraire du magistrat. La majorité étant maîtresse absolue de faire la loi et d’en surveiller l’exécution, ayant un égal contrôle sur les gouvernants et sur les gouvernés, regarde les fonctionnaires publics comme ses agents passifs, et se repose volontiers sur eux du