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de valeur que le sol qu’il foule sous ses pas. On regarde comme un pesant fardeau d’avoir des enfants, des voisins, des amis ; on fuit le pauvre ; les hommes repoussent ce qui devrait causer les plus grandes jouissances de ce monde, si les choses étaient suivant l’ordre naturel.

« Quatrième motif : Nos passions sont arrivées à ce point qu’il n’y a pas de fortune qui puisse mettre un homme en état de maintenir son rang parmi ses égaux. Et cependant celui qui ne peut y réussir est en butte au mépris : d’où il résulte que dans toutes les professions on cherche à s’enrichir par des moyens illicites, et il devient difficile aux gens de bien d’y vivre à leur aise et sans déshonneur.

« Cinquième motif : Les écoles où l’on enseigne les sciences et la religion sont si corrompues, que la plupart des enfants, et souvent les meilleurs, les plus distingués d’entre eux, et ceux qui faisaient naître les plus légitimes espérances, se trouvent entièrement pervertis par la multitude des mauvais exemples dont ils sont témoins, et par la licence qui les environne.

« Sixième motif : La terre entière n’est-elle pas le jardin du Seigneur ? Dieu ne l’a-t-il pas livrée aux fils d’Adam pour qu’ils la cultivent et l’embellissent ? Pourquoi nous laissons-nous mourir de faim faute de place, tandis que de vastes contrées également propres à l’usage de l’homme restent inhabitées et sans culture ?

« Septième motif : Élever une Église réformée et la soutenir dans son enfance ; unir nos forces avec celles d’un peuple fidèle pour la fortifier, la faire prospérer, et la sauver des hasards, et peut-être de la misère complète à laquelle elle serait exposée sans cet appui, quelle œuvre plus noble et plus belle, quelle entreprise plus digne d’un chrétien ?

« Huitième motif : Si les hommes dont la piété est connue, et qui vivent ici (en Angleterre) au milieu de la richesse et du bonheur abandonnaient ces avantages pour travailler à l’établissement de cette Église réformée, et consentaient à partager avec elle un sort obscur et pénible, ce serait un grand et utile exemple qui ranimerait la foi des fidèles dans les prières qu’ils adressent à Dieu en faveur de la colonie, et qui porterait beaucoup d’autres hommes à se joindre à eux. »

Plus loin, exposant les principes de l’Église de la Nouvelle-Angle-