Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 1.djvu/352

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

En 1792, à l’époque même où la république antichrétienne de France commençait son existence éphémère, le corps législatif du Massachusetts promulguait la loi qu’on va lire, pour forcer les citoyens à l’observation du dimanche. Voici le préambule et les principales dispositions de cette loi, qui mérite d’attirer toute l’attention du lecteur :

« Attendu, dit le législateur, que l’observation du dimanche est d’un intérêt public, qu’elle produit une suspension utile dans les travaux ; qu’elle porte les hommes à réfléchir sur les devoirs de la vie et sur les erreurs auxquelles l’humanité est si sujette ; qu’elle permet d’honorer en particulier et en public le Dieu créateur et gouverneur de l’univers, et de se livrer à ces actes de charité qui font l’ornement et le soulagement des sociétés chrétiennes ;

» Attendu que les personnes irréligieuses ou légères, oubliant les devoirs que le dimanche impose et l’avantage que la société en retire, en profanent la sainteté en se livrant à leurs plaisirs ou à leurs travaux ; que cette manière d’agir est contraire à leurs propres intérêts comme chrétiens ; que, de plus, elle est de nature à troubler ceux qui ne suivent pas leur exemple, et porte un préjudice réel à la société tout entière en introduisant dans son sein le goût de la dissipation et les habitudes dissolues ;

« Le sénat et la chambre des représentants ordonnent ce qui suit :

« 1o  Nul ne pourra, le jour du dimanche, tenir ouvert sa boutique ou son atelier. Nul ne pourra, le même jour, s’occuper d’aucun travail ou affaires quelconques, assister à aucun concert, bal ou spectacle d’aucun genre, ni se livrer à aucune espèce de chasse, jeu, récréation, sous peine d’amende. L’amende ne sera pas moindre de 10 shellings, et n’excédera pas 20 shellings pour chaque contravention.

« 2o  Aucun voyageur, conducteur, charretier, excepté en cas de nécessité, ne pourra voyager le dimanche, sous peine de la même amende.

« 3o  Les cabaretiers, détaillants, aubergistes, empêcheront qu’aucun habitant domicilié dans leur commune ne vienne chez eux le dimanche, pour y passer le temps en plaisirs ou en affaires. En cas