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l’habileté dans le gouvernement, la raison dans les gouvernés, et un certain attachement naturel que les hommes ont presque toujours pour leur patrie, peuvent aisément suffire ; mais pour qu’une nation se trouve en état de faire une grande guerre, les citoyens doivent s’imposer des sacrifices nombreux et pénibles. Croire qu’un grand nombre d’hommes seront capables de se soumettre d’eux-mêmes à de pareilles exigences sociales, c’est bien mal connaître l’humanité.

De là vient que tous les peuples qui ont eu à faire de grandes guerres ont été amenés, presque malgré eux, à accroître les forces du gouvernement. Ceux qui n’ont pas pu y réussir ont été conquis. Une longue guerre place presque toujours les nations dans cette triste alternative, que leur défaite les livre à la destruction, et leur triomphe au despotisme.

C’est donc, en général, dans la guerre que se révèle, d’une manière plus visible et plus dangereuse, la faiblesse d’un gouvernement ; et j’ai montré que le vice inhérent des gouvernements fédéraux était d’être très faibles.

Dans le système fédératif, non seulement il n’y a point de centralisation administrative ni rien qui en approche, mais la centralisation gouvernementale elle-même n’existe qu’incomplétement, ce qui est toujours une grande cause de faiblesse, lorsqu’il faut se défendre contre des peuples chez lesquels elle est complète.

Dans la constitution fédérale des États-Unis, celle de toutes où le gouvernement central est revêtu de plus de forces réelles, ce mal se fait encore vivement sentir.