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Puisque les législateurs ne peuvent empêcher qu’il ne survienne, entre les deux souverainetés que le système fédéral met en présence, des collisions dangereuses, il faut donc qu’à leurs efforts pour détourner les peuples confédérés de la guerre, il se joigne des dispositions particulières qui portent ceux-ci à la paix.

Il résulte de là que le pacte fédéral ne saurait avoir une longue existence, s’il ne rencontre, dans les peuples auxquels il s’applique, un certain nombre de conditions d’union qui leur rendent aisée cette vie commune, et facilitent la tâche du gouvernement.

Ainsi, le système fédéral, pour réussir, n’a pas seulement besoin de bonnes lois, il faut encore que les circonstances le favorisent.

Tous les peuples qu’on a vus se confédérer avaient un certain nombre d’intérêts communs, qui formaient comme les liens intellectuels de l’association.

Mais outre les intérêts matériels, l’homme a encore des idées et des sentiments. Pour qu’une confédération subsiste longtemps, il n’est pas moins nécessaire qu’il y ait homogénéité dans la civilisation que dans les besoins des divers peuples qui la composent. Entre la civilisation du canton de Vaud et celle du canton d’Uri, il y a comme du xixe siècle au xve siècle : aussi la Suisse n’a-t-elle jamais eu, à vrai dire, de gouvernement fédéral. L’union entre ces différents cantons n’existe que sur la carte ; et l’on s’en apercevrait bien, si une autorité centrale voulait appliquer les mêmes lois à tout le territoire.