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ses mains les clefs de tout un monde, elle fait respecter son pavillon jusqu’aux extrémités des mers.

L’Union est libre et heureuse comme une petite nation, glorieuse et forte comme une grande.


ce qui fait que le système fédéral n’est pas à la portée de tous les peuples, et ce qui a permis aux anglo-américains de l’adopter.
Il y a dans tout système fédéral des vices inhérents que le législateur ne peut combattre. — Complication de tout système fédéral. — Il exige des gouvernés un usage journalier de leur intelligence. — Science pratique des Américains en matière de gouvernement. — Faiblesse relative du gouvernement de l’Union, autre vice inhérent au système fédéral. — Les Américains l’ont rendu moins grave, mais n’ont pu le détruire. — La souveraineté des États particuliers plus faible en apparence, plus forte en réalité que celle de l’Union. — Pourquoi. — Il faut donc qu’il existe, indépendamment des lois, des causes naturelles d’union chez les peuples confédérés. — Quelles sont ces causes parmi les Anglo-Américains. — Le Maine et la Géorgie, éloignés l’un de l’autre de 400 lieues, plus naturellement unis que la Normandie et la Bretagne. — Que la guerre est le principal écueil des confédérations. — Ceci prouvé par l’exemple même des États-Unis. — L’Union n’a pas de grandes guerres à craindre. — Pourquoi. — Dangers que courraient les peuples de l’Europe en adoptant le système fédéral des Américains.

Le législateur parvient quelquefois, après mille efforts, à exercer une influence indirecte sur la destinée des nations, et alors on célèbre son génie, tandis que souvent la position géographique du pays, sur laquelle il ne peut rien, un état social qui s’est créé sans son concours, des mœurs et des idées dont il ignore l’origine, un point de départ qu’il ne connaît pas, impriment à la société des mouvements irrésistibles contre lesquels il lutte en vain, et qui l’entraînent à son tour.

Le législateur ressemble à l’homme qui trace sa route au milieu des mers. Il peut aussi diriger le vaisseau qui