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pide et plus puissante, les idées y circulent plus librement, les métropoles y sont comme de vastes centres intellectuels où viennent resplendir et se combiner tous les rayons de l’esprit humain : ce fait nous explique pourquoi les grandes nations font faire aux lumières et à la cause générale de la civilisation des progrès plus rapides que les petits. Il faut ajouter que les découvertes importantes exigent souvent un développement de force nationale dont le gouvernement d’un petit peuple est incapable ; chez les grandes nations, le gouvernement a plus d’idées générales, il se dégage plus complétement de la routine des antécédents et de l’égoïsme des localités. Il y a plus de génie dans ses conceptions, plus de hardiesse dans ses allures.

Le bien-être intérieur est plus complet et plus répandu chez les petites nations, tant qu’elles se maintiennent en paix ; mais l’état de guerre leur est plus nuisible qu’aux grandes. Chez celles-ci l’éloignement des frontières permet quelquefois à la masse du peuple de rester pendant des siècles éloignée du danger. Pour elle, la guerre est plutôt une cause de malaise que de ruine.

Il se présente d’ailleurs, en cette matière comme en beaucoup d’autres, une considération qui domine tout le reste : c’est celle de la nécessité.

S’il n’y avait que de petites nations et point de grandes, l’humanité serait à coup sûr plus libre et plus heureuse ; mais on ne peut faire qu’il n’y ait pas de grandes nations.