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l’autre, elle représentât au moins une sagesse supérieure.

Il fallut avoir atteint un âge mûr pour être sénateur, et ce fut une assemblée déjà choisie elle-même et peu nombreuse qui fut chargée d’élire.

Les démocraties sont naturellement portées à concentrer toute la force sociale dans les mains du corps législatif. Celui-ci étant le pouvoir qui émane le plus directement du peuple, est aussi celui qui participe le plus de sa toute-puissance.

On remarque donc en lui une tendance habituelle qui le porte à réunir toute espèce d’autorité dans son sein.

Cette concentration des pouvoirs, en même temps qu’elle nuit singulièrement à la bonne conduite des affaires, fonde le despotisme de la majorité.

Les législateurs des États se sont fréquemment abandonnés à ces instincts de la démocratie ; ceux de l’Union ont toujours courageusement lutté contre eux.

Dans les États, le pouvoir exécutif est remis aux mains d’un magistrat placé en apparence à côté de la législature, mais qui, en réalité, n’est qu’un agent aveugle et un instrument passif de ses volontés. Où puiserait-il sa force ? Dans la durée des fonctions ? Il n’est en général nommé que pour une année. Dans ses prérogatives ? Il n’en a point pour ainsi dire. La législature peut le réduire à l’impuissance, en chargeant de l’exécution de ses lois des commissions spéciales prises dans son sein. Si elle le voulait, elle pourrait en quelque sorte l’annuler en lui retranchant son traitement.