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Ceci se fait sans peine, parce que, chez ces peuples, les questions de compétence judiciaire n’ont aucun rapport avec les questions de souveraineté nationale.

Mais, au-dessus de la cour supérieure d’un État particulier et de la cour supérieure des États-Unis, il était impossible d’établir un tribunal quelconque qui ne fût ni l’un ni l’autre.

Il fallait donc nécessairement donner à l’une des deux cours le droit de juger dans sa propre cause, et de prendre ou de retenir la connaissance de l’affaire qu’on lui contestait. On ne pouvait accorder ce privilége aux diverses cours des États ; c’eût été détruire la souveraineté de l’Union en fait après l’avoir établie en droit ; car l’interprétation de la constitution eût bientôt rendu aux États particuliers la portion d’indépendance que les termes de la constitution leur ôtaient.

En créant un tribunal fédéral, on avait voulu enlever aux cours des États le droit de trancher, chacun à sa manière, des questions d’intérêt national, et parvenir ainsi à former un corps de jurisprudence uniforme pour l’interprétation des lois de l’Union. Le but n’aurait point été atteint si les cours des États particuliers, tout en s’abstenant de juger les procès comme fédéraux, avaient pu les juger en prétendant qu’ils n’étaient pas fédéraux.

La cour suprême des États-Unis fut donc revêtue du droit de décider de toutes les questions de compétence[1].

  1. Au reste, pour rendre ces procès de compétence moins fréquents, on décida que, dans un très grand nombre de procès fédéraux, les tribunaux des États particuliers auraient droit de prononcer concurremment avec les