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est grande et nécessaire, et plus un pareil état de choses est dangereux. Chez un peuple qui a contracté l’habitude d’être gouverné par le pouvoir exécutif, et à plus forte raison d’être administré par lui, l’élection ne pourrait manquer de produire une perturbation profonde.

Aux États-Unis, l’action du pouvoir exécutif peut se ralentir impunément, parce que cette action est faible et circonscrite.

Lorsque le chef du gouvernement est élu, il en résulte presque toujours un défaut de stabilité dans la politique intérieure et extérieure de l’État. C’est là un des vices principaux de ce système.

Mais ce vice est plus ou moins sensible suivant la part de puissance accordée au magistrat élu. À Rome, les principes du gouvernement ne variaient point, quoique les consuls fussent changés tous les ans, parce que le sénat était le pouvoir dirigeant, et que le sénat était un corps héréditaire. Dans la plupart des monarchies de l’Europe, si on élisait le roi, le royaume changerait de face à chaque nouveau choix.

En Amérique, le président exerce une assez grande influence sur les affaires de l’État, mais il ne les conduit point ; le pouvoir prépondérant réside dans la représentation nationale tout entière. C’est donc la masse du peuple qu’il faut changer, et non pas seulement le président, pour que les maximes de la politique varient. Aussi, en Amérique, le système de l’élection, appliqué au chef du pouvoir exécutif, ne nuit-il pas d’une manière très sensible à la fixité du gouvernement.