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momentanément la puissance judiciaire entre les mains des représentants mêmes de la société. On a mieux aimé y confondre ainsi momentanément les pouvoirs, que d’y violer le principe nécessaire de l’unité du gouvernement. L’Angleterre, la France et les États-Unis ont introduit le jugement politique dans leurs lois : il est curieux d’examiner le parti que ces trois grands peuples en ont tiré.

En Angleterre et en France, la chambre des pairs forme la haute cour criminelle[1] de la nation. Elle ne juge pas tous les délits politiques, mais elle peut les juger tous.

À côté de la chambre des pairs se trouve un autre pouvoir politique, revêtu du droit d’accuser. La seule différence qui existe, sur ce point, entre les deux pays, est celle-ci : en Angleterre, les députés peuvent accuser qui bon leur plaît devant les pairs ; tandis qu’en France ils ne peuvent poursuivre de cette manière que les ministres du roi.

Du reste, dans les deux pays, la chambre des pairs trouve à sa disposition toutes les lois pénales pour en frapper les délinquants.

Aux États-Unis, comme en Europe, l’une des deux branches de la législature est revêtue du droit d’accuser, et l’autre du droit de juger. Les représentants dénoncent le coupable, le sénat le punit.

Mais le sénat ne peut être saisi que par les représentants, et les représen-

  1. La cour des pairs en Angleterre forme en outre le dernier degré de l’appel dans certaines affaires civiles. Voyez Blakstone, liv. III, ch. iv.