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On a remarqué de tout temps que les habitudes judiciaires préparaient assez mal les hommes à l’exercice du pouvoir administratif.

Les Américains ont pris à leurs pères, les Anglais, l’idée d’une institution qui n’a aucune analogie avec ce que nous connaissons sur le continent de l’Europe, c’est celle des juges de paix.

Le juge de paix tient le milieu entre l’homme du monde et le magistrat, l’administrateur et le juge. Le juge de paix est un citoyen éclairé, mais qui n’est pas nécessairement versé dans la connaissance des lois. Aussi ne le charge-t-on que de faire la police de la société ; chose qui demande plus de bon sens et de droiture que de science. Le juge de paix apporte dans l’administration, lorsqu’il y prend part, un certain goût des formes et de la publicité, qui en fait un instrument fort gênant pour le despotisme ; mais il ne s’y montre pas l’esclave de ces superstitions légales qui rendent les magistrats peu capables de gouverner.

Les Américains se sont approprié l’institution des juges de paix, tout en lui ôtant le caractère aristocratique qui la distinguait dans la mère-patrie.

Le gouverneur du Massachusetts[1] nomme, dans tous les comtés, un certain nombre de juges de paix, dont les fonctions doivent durer sept ans[2].

  1. Nous verrons plus loin ce que c’est que le gouverneur ; je dois dire dès à présent que le gouverneur représente le pouvoir exécutif de tout l’État.
  2. Voyez constitution du Massachusetts, chap. ii, section I, paragraphe 9 ; chap. iii, paragraphe 3.