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du temps ; qui, publié il y a trente ans, traduit dans toutes les langues d’Europe[1], a été réimprimé en France quatorze fois, et dont la dernière édition, exécutée dans le format des éditions populaires et tirée à un nombre immense d’exemplaires, est aujourd’hui complètement épuisée. Et jamais ce livre n’a été plus recherché qu’il ne l’est aujourd’hui. Jamais les idées qu’il exprime et les principes qu’il consacre n’ont eu plus de faveur dans le monde intellectuel. Chaque jour on voit se grossir le nombre de ceux pour lesquels il fait école. Ne serait-ce pas que la démocratie, dont Tocqueville annonçait l’avènement prochain et irrésistible, prend plus visiblement possession de la société et constate son empire par des signes chaque jour plus manifestes ? Ne devient-il pas ainsi plus important, aux yeux de chacun, de méditer le livre où en montrant les progrès de la démocratie, l’auteur en expose les dangers et les excès ? Cette bienveillance croissante des amis de la démocratie eux-mêmes envers Tocqueville ne vient-elle pas de ce qu’ils n’ont jamais mieux compris qu’aujourd’hui combien est nécessaire l’accord tant recommandé par Tocqueville de la démocratie et de la liberté ; de ce que jamais peut-être la

  1. On sait que la première traduction anglaise de la Démocratie est due à M. Henry Reeve, aujourd’hui secrétaire du Conseil privé de la reine d’Angleterre. La première édition américaine qui parut aux États-Unis était accompagnée d’une préface de M. John Spencer, membre de la législature de l’État de New-York (1836).