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ont pensé que du fait de l’obéissance naissait pour eux le droit du commandement.

En Amérique, le principe de la souveraineté du peuple n’est point caché ou stérile comme chez certaines nations ; il est reconnu par les mœurs, proclamé par les lois ; il s’étend avec liberté, et atteint sans obstacles ses dernières conséquences.

S’il est un seul pays au monde où l’on puisse espérer apprécier à sa juste valeur le dogme de la souveraineté du peuple, l’étudier dans son application aux affaires de la société, et juger ses avantages et ses dangers, ce pays-là est assurément l’Amérique.

J’ai dit précédemment que, dès l’origine, le principe de la souveraineté du peuple avait été le principe générateur de la plupart des colonies anglaises d’Amérique.

Il s’en fallut de beaucoup cependant qu’il dominât alors le gouvernement de la société comme il le fait de nos jours.

Deux obstacles, l’un extérieur, l’autre intérieur retardaient sa marche envahissante.

Il ne pouvait se faire jour ostensiblement au sein des lois, puisque les colonies étaient encore contraintes d’obéir à la métropole ; il était donc réduit à se cacher dans les assemblées provinciales et surtout dans la commune. Là il s’étendait en secret.

La société américaine d’alors n’était point encore préparée à l’adopter dans toutes ses conséquences. Les lumières dans la Nouvelle-Angleterre, les richesses au