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HISTOIRE ROMAINE — LIV. I.

opéré avec une apparence de bravade et de désordre, et les incursions de la cavalerie jusque sous les portes de la ville, attirent les ennemis : c’était là ce que voulait Romulus. Des charges de cavalerie rendirent aussi plus naturelle la fuite que ses soldats devaient simuler. En effet, tandis que les cavaliers exécutent leurs manœuvres, et qu’ils semblent hésiter entre le désir de fuir et l’honneur de combattre, l’infanterie lâche pied : aussitôt les Fidénates ouvrent les portes de la ville ; ils affluent dans la plaine, se jettent en masse sur l’armée romaine, la chassent devant eux, et entraînés par l’ardeur d’une poursuite acharnée, s’engagent dans l’embuscade. Mais les soldats romains qui l’occupent se montrent tout à coup, fondent sur eux, et les prennent en flanc ; ceux-ci s’épouvantent, et la réserve du camp, qui s’ébranle à son tour, accroît encore leur frayeur. L’effroi, qui les frappe de toutes parts, laisse à peine à Romulus et à sa cavalerie le temps de faire volte face ; ils prennent la fuite ; et, comme cette fuite est réelle, ils regagnent la ville avec plus de désordre et de précipitation qu’ils n’en avaient mis à poursuivre ceux qui ne fuyaient que par artifice ; mais ils n’échappent pas davantage à l’ennemi. Les Romains les poussent l’épée dans les reins, et, avant qu’on ait eu le temps de refermer les portes, vainqueurs et vaincus entrent ensemble, comme si ce n’était qu’une seule armée.

XV. Des Fidénates, le feu de la guerre se communique aux Vélens, lesquels, descendant comme eux des Étrusques, étaient liés à leur cause par la communauté d’origine, et par l’irritation de leur défaite ; outre qu’ils songeaient avec crainte a la proximité d’une ville dont les armes devaient menacer tous les voisins. Ils se répandent donc sur ses frontières, plutôt pour s’y livrer au pillage, que pour y faire une guerre en règle. C’est pourquoi ils ne se fixent nulle part, ils n’attendent pas l’armée romaine. Chargés de butin, ils reviennent à Véles. Les Romains, trouvant la campagne libre, se disposent néanmoins à provoquer un engagement décisif ; ils passent le Tibre, et plantent leur camp. À la nouvelle de leurs préparatifs et de leur marche sur la ville, les Vélens sortent et s’avancent à la rencontre de l’ennemi. Il leur semblait plus convenable de vider la querelle dans une bataille, que de se retrancher derrière des murs, et d’y combattre pour leurs foyers. Dans cette circonstance, Romulus, dédaignant la ruse, vainquit avec l’aide seule de ses troupes déjà vieillies au métier de la guerre. Il poursuivit les Vélens battus jusque sous leurs remparts, et n’essaya pas d’assiéger leur ville, doublement forte par ses murailles et par sa position. Il revint sur ses pas, et ravagea le pays, plutôt pour user de représailles que par amour du butin. Ces dévastations, jointes à la perte de la bataille, achevèrent la ruine des Vélens. Ils envoient des députés à Rome, et proposent la paix ; une trêve de cent ans leur est accordée, mais au prix d’une partie de leur territoire. Tels sont, a peu près, les événements militaires et politiques du règne de Romulus. Ils s’accordent assez avec l’opinion de la divinité de l’origine de ce roi, et ce qu’on a écrit touchant les circonstances miraculeuses qui suivirent sa mort. Rien ne dément cette opinion, surtout si l’on considère le courage que déploya Romulus dans le rétablissement de son aïeul sur le trône, son projet gigantesque de bâtir une ville,