Page:Tissot - Princesses des lettres.djvu/80

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cette prodigieuse femme ; tandis que l’aîné, M. Auguste de Morsier, préférait les questions sociales, le cadet, M. Louis de Morsier, devenait l’un de nos bons musicographes, cependant que le puîné, M. Édouard de Morsier, se faisait, dans la critique cosmopolite, une place distinguée. Ne voit-on pas à quel point ils furent tous trois, non seulement chair de sa chair, mais pensée d’une pensée qui revit ainsi, transposée, poursuivie, pendant plus d’un siècle, à travers déjà deux générations ? Une telle constatation eût séduit l’esprit bouddhiste d’Émilie de Morsier. N’a-t-elle pas écrit : « Croyez-moi, rien ne se perd en ce monde : parole, action, pensées, tout est force et suit la loi de la force, se transformer ou s’anéantir. Il y a une grande consolation à se dire qu’une pensée projetée par notre cerveau ne peut pas plus se perdre qu’un rayon de lumière parti de Jupiter ou de Saturne[1]. »

Par malheur un tel livre ne saurait être composé par aucun de ceux de notre génération. Mme de Morsier a laissé une descendance directe et les familles protestantes n’admettent pas le public dans leur intimité. Elles connaissent sur ce point des hésitations qu’ignorent les milieux

  1. Extrait d’une Esquisse de roman inédit (communiqué par la famille).