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barque des Illusions perdues. Pourquoi ne consentit-elle jamais à essayer de faire un tout romanesque ou théâtral de tant d’impressions, d’observations disséminées ?

« Parce que cela m’eût bien trop ennuyée !… me répondit-elle du tac au tac. Réfléchissez… Je suis curieuse de trop de choses et ma curiosité est trop constamment sollicitée par de nouveaux objets pour que je puisse m’astreindre à vivre des mois dans le cercle d’une aventure. Et puis, les faits m’intéressent davantage que les personnes, et les idées plus que les faits !… » Une telle faculté d’abstraction est assez peu commune parmi les femmes. L’on en doit d’autant plus féliciter Mme Barine, qu’avec une assiduité remarquable, elle ne cessa, comprenant que ses déductions devaient procéder de nombreuses analyses, d’augmenter, d’étendre, de trier le trésor de ses connaissances. Vous ne pouvez la rencontrer sans qu’elle ne vous interroge sur ceci, cela, ou autre chose encore. C’est parfait ; elle n’eut jamais l’idée d’être née savante, comme Riquet à la houppe, coiffé. Sa documentation loyale, sans pédantisme, montre qu’elle en dit moins qu’elle n’en sait ; cela donne confiance : « C’est que je travaille chaque jour, plusieurs heures, sans me laisser importuner par la vie