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fond de tout talent de femme, il y a un bonheur manqué ! » Le cas de Mme Neera ne serait guère pour nous contredire. Ceux qui m’ont lu jusqu’ici savent qu’elle avait le droit de s’écrier : Croyez à mon expérience !…

Cependant, ne trouvant pas que les raisons sentimentales soient péremptoires, elle ajoute : « Le travail intellectuel de la femme est un vol commis au préjudice de l’homme futur. » J’éprouve le besoin de répéter que c’est une romancière qui parle ; la femme, par la loi de nature, semblerait donc vouée à cette tâche sublime de sacrifier son intelligence à l’homme qui doit naître d’elle. « En considérant la question sous cet angle, il est facile de découvrir combien Georges Eliot et George Sand, elles-mêmes, donnèrent peu à l’humanité, en comparaison des mères obscures de Léonard et de Dante. Je voudrais pouvoir établir une statistique des mères de grands hommes. Presque toujours, on trouverait une femme supérieure qui ne produisit rien[1] » La femme doit se borner à transmettre aux générations montantes les trésors accumulés par les générations disparues. Elle est la gardienne sacrée de l’intelligence humaine.

  1. La Parte della donna, dans le Marzocco du 4 juin 1899.