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surtout en pensant aux mille embûches de la carrière, quelle qu’elle soit, de la destinée même dorée, de l’automne qui, s’il n’est point maternel, ne sera pas sans un compagnon — supportable. Mlle Dora Mélégari[1], une Italienne qui écrit le français comme une Parisienne, sans avoir, sur ces sujets, la robuste sagesse de Mme Neera, reconnaissait avec regret, que ses compatriotes avaient la plus grande peine à s’affranchir du patronage masculin et, pour cent raisons que

  1. Mlle Dora Mélégari (1854), l’une des romancières et des moralistes appréciées de l’Italie contemporaine, est la fille aînée de l’un des promoteurs de l’unification de l’Italie. Son père, qui mourut sous le règne d’Humbert Ier, ministre des Finances, avait, durant ses années d’exil politique, épousé à Lausanne, en Suisse, où il s’était retiré sous le nom d’Emery, une demoiselle de Mandroz. Ces hérédités protestantes expliquent le double caractère de l’activité artistique de Mlle Mélégari. Romanesque et passionnée, elle le fut jusqu’à nous enthousiasmer dans ses tendres romans (Expiation, Kyrie Eleison, etc.), tandis que ses prônes laïques (Âmes dormantes, Faiseurs de joies et faiseurs de peine, Chercheurs de sources), nous la montrent, au contraire, d’une sévérité presque calviniste. Mais dans son œuvre multiple, et qui mériterait une étude, rien n’égale ses souvenirs historiques. Cette dame perspicace et maligne a vu tant de choses et de gens que si elle s’avise jamais de composer des mémoires, ils surpasseront, je vous le certifie, ceux d’ailleurs trop vantés, de la comtesse de Boigne.