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il faut forcer son souvenir pour entrevoir par la pensée les deux millions d’hommes emprisonnés près de là dans une vaste muraille !

Seul dans la nacelle de mon aérostat, ayant quelques pigeons voyageurs pour compagnons, je passe bientôt au-dessus de Versailles, où j’aperçois des Prussiens sur le tapis vert ! En quittant Versailles, je plane au-dessus d’un petit bois. Tous les arbres sont abattus au milieu du fourré ; le sol est aplani, une double rangée de tentes se dressent des deux côtés de ce parallélogramme (fig. 25). À peine le ballon passe-t-il au-dessus de ce camp, j’aperçois les soldats qui s’alignent ; je vois briller de loin les baïonnettes ; les fusils se lèvent et vomissent l’éclair au milieu d’un nuage de fumée.

Ce n’est que quelques secondes après que j’entends au-dessous de la nacelle le bruit des balles et la détonation des armes à feu. Après cette première fusillade, c’en est une autre qui m’est adressée, et ainsi de suite jusqu’à ce que le vent m’ait chassé de ces parages inhospitaliers.

Ma descente s’opère à Dreux où je lance deux de mes pigeons voyageurs après avoir attaché à l’une des plumes de leur queue la dépêche annonçant l’heureux atterrissage du ballon messager.