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vue des curieux. Mais comme une entreprise de ce genre ne peut rester longtemps sous le secret, tous les environs, et Paris même, en ont été bientôt instruits, notamment plusieurs grands seigneurs qui ont bien voulu m’honorer de leur présence, et qui m’ont promis de très grandes récompenses en cas de réussite. Mais comme depuis environ un mois, des affaires, jointes une maladie, m’ont empêché de terminer cet ouvrage, j’entends tous les jours dire au public (qui ignore ces causes), cet homme entreprenait l’impossible. En effet, au premier coup d’œil, la chose paraît telle ; mais après de sages réflexions, on ne sait qu’en décider.

Depuis plus de douze ans je m’occupe à ce projet, j’y trouvais d’abord bien des obstacles ; mais, toujours convaincu de la possibilité de voler, je n’ai cessé d’y travailler, Je suis actuellement à ma sixième opération. Il ne me reste plus qu’une seule difficulté, qu’un homme plus riche que moi lèverait facilement.

L’idée d’une voiture volante me fut suggérée par le récit des essais de M. de Baqueville ; certainement si cet amateur, qui était fortuné, eût poussé la chose aussi avant que moi, il eût fait un chef-d’œuvre mais malheureusement on se rebute quelquefois aux premiers essais, et par la on ensevelit dans l’obscurité les choses les plus magnifiques.

Comme plusieurs personnes s’imaginent que c’est l’enthousiasme où je suis de mon projet, qui me fait parler, ils m’objectent que la nature de l’homme n’est pas de voler, mais bien celle des oiseaux emplumés. Je réponds que les plumes ne sont pas nécessaires à l’oiseau pour voler, une tenture quelconque suffit. La mouche, le papillon, la chauve-souris, etc., volent sans plumes et avec des ailes en forme d’éventail, d’une matière semblable à la corne. Ce n’est donc ni la matière ni la forme qui fait voler ; mais le volume proportionné, et la célérité du mouvement qui doit être très mobile.