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dégager le malheureux M. Letur, qui, n’ayant pas perdu connaissance, quoique fortement brisé par de nombreuses contusions, poussait des cris et des gémissements. On le transporta à la taverne du chemin de fer près de la station. M. Barrett, propriétaire, le fit placer dans une chambre. On courut chercher un médecin. M. le docteur Lieks arriva.

Ce pauvre M. Letur, qui ne parle pas du tout anglais, ne cessait de répéter : « Mon Dieu ! mon Dieu ! » On le mit dans un lit. Le docteur Lieks examina attentivement ses blessures. Les contusions extérieures parurent peu graves, mais le docteur jugea qu’une lésion interne d’une nature grave et mortelle devait avoir eu lieu. Dans la soirée, plusieurs personnes arrivèrent de Cremorn-Gardens, et entre autres M. Franchel, l’ami intime, du blessé, et qui l’avait engagé à venir en Angleterre par spéculation. M. Franchel, très ému et rempli de compassion pour le sort du malheureux déclara qu’il ne le quitterait pas. Cette assurance parut améliorer beaucoup l’état moral du blessé, qui pensa que sa famille pourrait avoir de ses nouvelles par l’intermédiaire de cet ami.

M. Franchel n’a pas quitté le blessé jusqu’à son dernier soupir, qu’il a rendu jeudi dernier, et il avait même déclaré qu’il ne quitterait l’hôtel qu’après avoir rendu les derniers devoirs il son ami. Jusqu’à sa mort, M. Letur a gardé sa pleine connaissance. Il s’est entretenu avec calme avec M. Franchel, à qui il a exprimé ses dernières volontés. Il avait quarante-neuf ans. On dit qu’il laisse sa famille dans l’indigence, à Paris. Sa malheureuse femme est dans un état de grossesse très avancé.

Parmi les personnes qui ont montré le plus d’intérêt pour ce malheureux a été M. Simpton, propriétaire de Cremorn-Gardens. Le parachute n’a pas été très endommagé. Il reste déposé à la taverne pour être examiné par le coroner et le jury.