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moine. « Non, dit Mme du Fargeas, pas de mollesse ! » Naïs grelotte un peu, en se déshabillant, et soupire. Et voilà qu’on descend du grenier la vieille malle couverte en peau de sanglier. Voilà qu’on brosse la valise en tapisserie que maman emporta lors de son voyage à Paris, en 1810… On défait, pour le refaire plus étroit, l’ourlet du fourreau d’uniforme. Finies, les grandes vacances.

Enfin, arrive la dernière année.

C’est l’année où, des phénomènes mystérieux s’étant accomplis, — on n’en parle jamais, comme si c’était un péché involontaire ! — une autre Naïs éclôt de l’enfantine Naïs. C’est l’année où l’on serre sa ceinture pour avoir la taille plus fine et la poitrine plus saillante ; où l’on soupire en aplatissant de beaux cheveux impatients de se libérer du filet ; où l’on a des secrets à dire, des confidences à recevoir, où l’on est, enfin, l’élève, pâmée d’admiration, de sœur Sainte-Rose.

Elle a quarante ans, sœur Sainte-Rose, et elle a pris le voile assez tard. Il paraît qu’elle vient d’une noble famille et qu’elle a vécu dans le monde. Elle a un beau visage blanc, un regard qui est, à lui seul, une récompense quand il se pose, grave et doux, sur les visages attentifs. Sœur Sainte-Rose applique scrupuleusement les méthodes de la maison mais elle y ajoute un vivant commentaire, tel une fleur de liseron enroulée à un fagot. Un mot,