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corridors dallés, les dortoirs aux petits lits blancs, les tables sans nappe du réfectoire, les salles d’étude vastes comme des chapelles, avaient un aspect glacial. Le costume d’uniforme, d’une laideur insigne, se composait d’un fourreau de serge noire, et d’une pèlerine. Les cheveux tirés en arrière, aplatis à l’eau, car la frisure semblait immodeste, le filet rond qui contenait les tresses roulées et serrées, eussent découragé — si c’était chose possible ! — l’instinctive coquetterie. Jamais de feu, même en hiver, dans les dortoirs. Jamais d’eau chaude pour la toilette. Dans les classes, par les grands froids, on allumait un brasero où chaque élève, à son tour, dégourdissait ses doigts boudinés d’engelures. Défense de s’appuyer au dossier d’un siège. Obligation de se lever tous les jours à cinq heures, en été, à six heures en hiver. Un tel régime était à peu près celui de tous les couvents et pensions de filles. Il nous semble intolérable. Nos aïeules l’ont subi et n’en gardaient pas un mauvais souvenir. L’inconfort des maisons, la simplicité des mœurs, surtout dans la petite province du Centre et du Midi, préparait les enfants à la vie sans douceur du couvent. Elles ne s’estimaient pas malheureuses. Seules les natures indomptables, qui refusaient de se plier à la règle, souffraient ou se brisaient. Les autres entraient — pour un temps ou pour toujours — dans le moule